EAC : En RDC, démission fracassante de Jeff Nyagah, le patron de la force régionale

Le général kényan qui commandait la force régionale de la Commaunauté d’Afrique de l’Est (EARCF) a posé sa démission, le 27 avril. Kinshasa lui reproche son inaction face au M23, tandis qu’il dénonce des intimidations et pressions politiques dans un courrier au vitriol que Jeune Afrique a pu consulter. Par Romain Gras

Jeff Nyagah, le commandant de la force régionale, a présenté sa démission.

Voilà des mois que la force régionale de l’EAC faisait face aux critiques de l’opinion congolaise et de l’entourage de Félix Tshisekedi, qui espérait que les troupes déployées sur le terrain iraient combattre les rebelles du M23.

Déjà confrontée à des difficultés de financement de ses opérations, l’EACRF doit désormais encaisser le départ soudain de son commandant. En froid avec Kinshasa, le général kényan Jeff Nyagah a annoncé le 27 avril sa démission au secrétariat général de l’EAC.

Surveillance, mercenaires et drones

Dans un courrier adressé au diplomate kényan Peter Mathuki, le haut gradé kényan explique les nombreuses raisons qui l’ont décidé à partir, évoquant d’emblée une « menace aggravée » contre sa sécurité et un « plan systématique pour contrecarrer les efforts de la force régionale ».

Concernant sa propre sécurité, Jeff Nyagah mentionne une « tentative d’intimidation » l’ayant visé dans son ancienne résidence. Il explique que « des contractants militaires étrangers » qu’il qualifie lui-même de « mercenaires « ont placé des dispositifs de surveillance, fait voler des drones et exercé une surveillance physique » de sa résidence au début du mois de janvier 2023, l’obligeant ainsi à déménager.

L’officier dénonce aussi une « campagne médiatique bien orchestrée et financée visant sa personnalité » et « les fausses accusations » concernant la gestion, par l’EACRF, de l’offensive du M23. Depuis plusieurs mois, la force régionale, qui entretient des relations compliquées avec l’armée congolaise, se trouve sous pression de l’opinion congolaise. Celle-ci lui reproche de ne pas adopter un mandat offensif face aux rebelles.

Après plusieurs reports de calendrier, ces derniers ont entamé un timide retrait début avril et la force régionale a pris position dans les localités que le mouvement a déserté. Mais la situation frustre Kinshasa, qui n’a toujours pas renouvelé les statuts de l’EACRF – lesquels ont expiré depuis la fin de mars. Cette situation devait faire l’objet de discussions lors d’une réunion des ministres de la Défense de la région prévue à Goma mi-avril, mais cette rencontre a finalement été annulée.

« Frustration permanente »

Le général kényan fait d’ailleurs référence à ces relations conflictuelles entre la force régionale et les autorités congolaises qui, selon lui, poussaient ces dernières semaines pour que son poste de patron de la force régionale deviennent rotatif, avec un changement de commandant tous les trois mois.

« Cette situation est également aggravée par le fait que le gouvernement de la RDC ne prend pas en charge les coûts administratifs, y compris le quartier général de la force, les bureaux du personnel, l’hébergement, ainsi que les salaires du personnel civil », conclut-il, estimant que cette « frustration permanente » a « rendu sa mission intenable ». Contacté, l’entourage du président congolais confirme ce départ, tout en assurant l’avoir demandé au préalable.

La décision de Jeff Nyagah intervient alors que le retrait du M23 demeure fragile et que les perspectives de sortie du conflit paraissent toujours incertaines. La RDC demeure officiellement hostile à toute négociation avec les rebelles du M23. Ces derniers ont déjà annoncé que, sans une garantie de dialogue direct avec Kinshasa, ils refuseront de se cantonner.