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PROCES DU NEGATIONNISME DE CHARLES ONANA DU GENOCIDE CONTRE LES TUTSI (INTERROGATION DES .

On ne peut s’empêcher de partager cet article écrit sous la direction et contextualisation de Jean-François Dupaquier. L’article reprend diverses audiences du procès d’Onana et les audiences de ses avocats et témoins, ainsi que des notes d’audience de Survie, Ibuka France et divers observateurs.

Me Gisagara, avocat de la CRF : – Pourquoi rédigez-vous cette phrase si vous ne niez pas le génocide ?

Charles Onana : – Dans cette phrase je ne nie pas le génocide. Au contraire, je suis malheureusement un chercheur précautionneux et je voulais justement prendre des pincettes pour appeler à la vigilance lorsque l’on compare des situations très différentes. Le contexte de la Shoah et du Rwanda ne sont pas du tout les mêmes : il n’y a jamais eu d’armée de Juifs qui ont combattu le Führer. Le contexte dans lequel les choses se sont passées au Rwanda n’a absolument rien à voir avec celui de la Shoah : c’est par humilité que j’ai écrit cette phrase.

Me Goldman (LICRA) : – Connaissez-vous la définition juridique du génocide ?

Charles Onana : – Je ne répondrai pas à cette question.

Me Goldman : – Saviez-vous qu’il y a la notion de « plan concerté » dans la définition ?

Charles Onana : – Le TPIR n’a pas validé la planification, en tout cas le procureur.

« La définition juridique du génocide ? Je ne répondrai pas à cette question »

Me Goldman : – Il y a deux passages où vous qualifiez cette planification
« d’escroquerie » (page 198 ; page 460), « d’imposture » (page 460)…

Charles Onana : – Par qui ? Pouvez-vous relire sans tronquer ma citation ?

Me Goldmann : – « Ceci démontre, s’il en était encore besoin, que la thèse conspirationniste d’un régime hutu ayant planifié un « génocide » au Rwanda constitue l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle. » (page 198)

[L’accusé commence à s’énerver. Madame la Présidente demande à Charles Onana de s’expliquer calmement.]

Charles Onana : – A aucun moment de cette phrase je ne parle du Tribunal, je parle uniquement du FPR. Ce que j’écris est précis.

« Pouvez-vous citer un passage où vous reconnaissez le génocide ? »

Me Heinich (Survie) : – Vous prétendez qu’il y a plein de passages où vous reconnaissez le génocide. Pourtant je n’en ai pas trouvé : pouvez-vous citer un exemple ?

Charles Onana : – C’est un livre de 660 pages, je n’ai pas tout en tête. Je laisserai mon avocat répondre car je ne voudrais pas me tromper et me mettre en porte-à-faux…

Me Heinich : – Pourquoi n’avez-vous pas dit d’emblée que vous vous étiez intéressé au génocide, mais à « cette affaire » ?

Charles Onana : – Il paraît que la répétition est pédagogique alors je vais vous redire que je me suis d’abord intéressé à l’attentat du 6 avril 1994. Je ne me suis pas dit « Je vais enquêter sur le génocide », mon ami Deo était bien plus au fait de ce qu’il s’était passé. Moi je m’intéressais à l’attentat dont le rapport des Nations-Unies faisait l’élément déclencheur du génocide.

Me Heinich : « Nous avons compté 160 fois où vous utilisez le mot génocide entre guillemets contre 12 fois sans guillemets »

Me Heinich : – Je reviens sur l’utilisation des guillemets. Nous avons compté 160 fois où vous utilisez le mot génocide entre guillemets contre 12 fois sans guillemets… La répétition est pédagogique, dites-vous ?

Charles Onana : Je mets les guillemets quand il s’agit du terme génocide employé du point de vue du FPR, qui est le premier à avoir utilisé ce mot et je ne le mets pas quand je le reprends à mon compte.

Me Heinich : – Qu’entendez-vous par « […] Pascal Simbikangwa, condamné en France non pour la vérité mais pour l’exemple […] » ? (page 437)

Charles Onana : – C’est une citation du titre du livre de Fabrice Epstein [avocat de Pascal Simbikangwa, Un génocide pour l’exemple, aux éditions du Cerf, 2019].

Me Heinich : – Pourtant la citation du livre vient après, elle est entre guillemets là – avant c’est donc votre propre discours. C’est vous qui écrivez ?

Charles Onana : – Je fais cette citation par honnêteté intellectuelle.

Me Heinich : – Vous citez dans votre livre le rapport [du rapporteur spécial de la commission des Droits de l’Homme des Nations Unies] René Deni-Segui. Mais vous en manipulez les conclusions, pour prétendre que la qualification de génocide n’était pas encore acquise quand ce rapport a été rédigé [le 28 juin 1994].

« Vous manipulez les conclusions de René Deni-Segui »

Charles Onana : – Le secrétaire général [des Nations Unies] et Degni-Ségui disent eux-mêmes qu’il faut faire encore des enquêtes à ce moment-là.

Me Heinich : – Si l’on poursuit la lecture du rapport, on voit qu’il est dit que la qualification de génocide est « d’ores et déjà acquise ». Comment expliquez-vous donc que vous ayez tronqué ce rapport ?

Charles Onana : – La formulation « d’ores et déjà » montre qu’il faut encore enquêter.

Madame la Procureur : – Vous avez parlé de Deo Mushayidi. Comment vous êtes vous rencontrés ?

Charles Onana : – Lors d’un voyage aux États-Unis organisé par le département d’État.

Me Pire (Avocat de la Défense) : – Dans cet extrait des pages 190-191, vous écrivez ensuite que cela ne signifie pas qu’il n’y a pas eu de génocide. Vous dites qu’à l’époque les enquêtes sont encore nécessaires ?

Charles Onana « J’écris génocide sans guillemets quand je reprends le mot à mon compte »

Charles Onana : – Oui, mais juste après j’écris que cela ne signifie pas que le génocide n’a pas existé et j’écris le mot génocide sans guillemets car je le reprends à mon compte.

Me Pire demande de précisions sur les références aux travail d’Allan Stam et Christian Davenport dans le livre de Charles Onana.

Charles Onana : – Ces chercheurs ont travaillé pendant dix ans à la demande de l’association Ibuka et du gouvernement de Kigali. Ils ont constaté que plus le FPR avançait, plus les Tutsi étaient massacrés. Ils ont aussi demandé à Ibuka combien de victimes Tutsies ont été tuées : ils ont répondu 300 000. Et lorsqu’on leur a demandé combien il y avait de Tutsi avant le génocide : ils ont répondu 600 000. Comme il y a eu entre 1 million et 1,5 million de morts au total, ils en ont déduit que c’était des victimes Hutu. Les deux chercheurs ont dû quitter le Rwanda sous 24 heures. Heureusement ils étaient américains, sinon ils auraient été liquidés comme on dit…

Me Pire : – Vous mentionnez une campagne menée par le FPR pour imposer le mot génocide. Avez-vous dit que le mot génocide des Tutsi ne correspondait pas à la réalité des faits ?

Charles Onana : – Quand je parle de la réalité des faits je parle des faits qui se déroulent sur le plan militaire. J’ai édité le livre de Jacques-Roger Booh-Booh qui discutait avec le FPR et tous les autres et Jacques-Roger Booh-Booh dit que ce qu’on lit, ça ne s’est pas passé comme ça.

« J’ai édité Jacques-Roger Booh-Booh qui dit que ça ne s’est pas passé comme ça »

Me Pire : – Pouvez-vous nous expliquer ce que vous avez constaté quant à la planification ?

Charles Onana : – J’ai constaté que le FPR avait dressé la liste de ceux qu’il voulait voir accuser et qu’il a dit qu’il y avait un plan de génocide et qu’il en avait les preuves. Or, il y a au moins deux ou trois jugements du TPIR où il est écrit que le procureur a été incapable d’en apporter la preuve. Le FPR n’a pas non plus apporté les preuves annoncées…

Me Pire : – Vous avez publié d’autres ouvrages qui ont traité de la situation au Rwanda, par exemple sur l’attentat. Utilisez-vous les guillemets dans ce livre ?

Charles Onana : – Non. Dans mon livre sur l’attentat, quel intérêt j’ai de nier le génocide des Tutsi ? Je prends des risques mais je suis devant vous.

Me Pire : – Vous pouvez nous expliquer ces risques ?

Charles Onana : – Mon ami Tutsi Deo a été mis en prison par le régime de Kigali actuel, au Rwanda depuis quatorze ans. Je suis inquiet [sa voix tremble d’émotion, les larmes montent].

Onana : « Je prends des risques mais je suis devant vous »

Madame la Présidente : – Vous êtes inquiet pour lui ou pour vous ?

Charles Onana : – Pour nous deux ! Et je tiens à dire que le sort de Deo n’intéresse pas les parties civiles qui prétendent défendre les rescapés. Le président Kagame a dit publiquement en juillet que les négationnistes du génocide doivent mourir un jour. Je suis aussi inquiet pour un autre ami. L’association Survie a fait un procès médiatique contre moi après le dépôt de la plainte : j’ai été condamné avant d’être entendu.

Madame la Présidente : – Quelle est votre situation personnelle ? Votre revenu mensuel moyen ?

Charles Onana : [Grosse hésitation] C’est fluctuant… je ne sais pas vous répondre… et je ne veux pas me tromper. Je suis très fatigué…

Me Pire : – Nous fournirons la feuille d’imposition.

Madame la Présidente : – Un autre aspect de votre situation personnelle à partager ?

Charles Onana : Que je suis en danger. C’est tout.

Présentation habile mais généralement hors-sujet

[Sur la forme, une présentation initiale habile mais sur le fond généralement hors-sujet, comme on s’y attendait : Charles Onana se montre intarissable sur la nature selon lui maléfique du FPR, sur les injustices médiatiques, toujours selon lui, vis-à-vis de l’opération Turquoise, sur les crimes de Kagame (curieusement, il ne dit rien rien sur le Congo). Il insiste sur l’absence de conflits d’intérêts et parle de « proximité avec des rescapés tutsi ».]

Murmures et quelques applaudissements dans la salle. La présidente met en garde le public.

Charles Onana se retire, l’éditeur Damien Serieyx est invité à son tour à la barre.

Madame la Présidente : Que pouvez-vous nous dire sur les faits reprochés ?

Auteur: MANZI
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