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La disparition de Pelé, la légende du football

Pelé occupe toutes les Unes au Brésil ce vendredi 30 décembre, souvent en pleine page. L’émotion est particulièrement vive à Santos, à quelques dizaines de kilomètres de São Paulo. C’est là que la star du football a fait ses débuts.

La ville de Santos a décrété non pas trois – comme au niveau national – mais sept jours de deuil. Elle se prépare depuis des mois déjà à cette disparition, écrit Carta Capital. La veille, à l’annonce de la disparition de Pelé, de nombreux habitants sont venus se recueillir devant sa statue dans le centre-ville, recouverte de couronnes de fleurs, raconte Diario do Litoral.

A Tribuna donne la parole à Didi, le barbier de Pelé pendant plus de 60 ans. Ce dernier a fermé les portes de son salon, trop choqué par l’annonce de la mort du champion. Alors oui, pense le journal dans un autre article intitulé « Adieu au roi » : « Les fans fêteront encore de nombreux buts, de nombreux titres. Mais rien ne sera plus comment avant. » Pelé apparait de dos, avec sceptre et couronne dans Extra, ou en noir et blanc, poing victorieux en Une de O Dia. Correio Braziliense préfère afficher un simple profil du joueur légendaire, dessiné au fuseau, accompagné de sa date de naissance et du mot « éternité » en guise de date de décès.

Ailleurs sur le continent, la presse rend également un immense hommage au « Roi » brésilien. La presse mexicaine souligne que la légende de Pelé est passée par le stade Azteca de Mexico, avec ce troisième titre mondial en 1970. La Nacion, en Argentine, ressort une vieille interview dans laquelle le footballeur se dit fan du Racing. Mais selon El Pais, en Colombie, c’est bien le Deportivo Cali que le footballeur brésilien portait dans son cœur, même si cette équipe avait battu le Santos FC en 1971 ! « Pelé a laissé depuis son nom et son talent gravés dans la mémoire des habitants de Cali », conclut le quotidien.

« Pelé, c’était le Brésil et le Brésil, c’était Pelé »

Pour A Tribuna, au Brésil, « Pelé a changé le monde et a rendu les Brésiliens fiers ». Il était
« l’ambassadeur du Brésil dans le monde », affirme le New York Times, une « incarnation vivante de son pays » et « une source de fierté pour une nation qui s’est trouvée, en partie, grâce à la magie des pieds d’un enfant prodige de 17 ans ». « Pour un pays qui cherchait encore à se faire une place dans les années d’après-guerre, l’arrivée de Pelé a marqué le passage à l’âge adulte du Brésil », ajoute le quotidien américain.

Il note que l’ascension de Pelé correspond à une période de boom économique dans le pays et coïncide avec l’essor de la bossa nova. « La confiance du Brésil est alors à son comble, et en Pelé, la nation a trouvé « O Rei », son roi, un surnom qui restera attaché à Pelé jusqu’à son dernier souffle. »

« L’émotion est planétaire », constate Le Parisien - Aujourd’hui en France, alors que La Croix parle de Pelé comme de « la première légende du foot mondialisé, symbole autant qu’acteur de la naissance d’un sport sans frontières ».

Le continent américain rend hommage au « Roi » Pelé


Une composition florale à la mémoire de Pelé, la star brésilienne du football, à l’hôtel de ville de Santos, au Brésil, le vendredi 30 décembre 2022. © Matias Delacroix / AP

L’avènement de Pelé dans le monde blanc de football a poussé le monde occidental à commencer à comprendre l’idiotie de la ségrégation, ainsi beaucoup d’équipes ont commencé à recruter des joueurs noirs.

Parcours exceptionnel

« Mais par où commencer ? », se demande La Voix du Nord. « Comment trouver le meilleur moyen d’aborder une vie aussi riche, le parcours d’un joueur qui aurait marqué, selon la légende, plus de 1 000 buts dans sa carrière, un peu moins selon la police », rappelle le quotidien qui choisit finalement l’originalité en parlant de ces buts que Pelé « n’a pas marqués ». Le journal n’en compte que deux.

Plus classique, Ouest France propose un portrait du « Roi » qui commence par cette question :
« Papa, pourquoi tu pleures ? » Question posée le 16 juillet 1950, à son père par le celui qui n’est encore que le jeune Edson Arantes do Nascimento. Le Brésil vient alors de perdre face à l’Uruguay.
« Ces larmes, Pelé ne les oubliera jamais »,raconte le quotidien.

Pelé, un surnom que le jeune footballeur n’apprécie pas au départ. Le Parisien relaye les propos de la légende : « Quand j’étais môme, j’ai détesté m’appeler Pelé, un nom donné par mes copains. C’est le nom d’une rivière sacrée en Amazonie mais cela veut aussi dire stupide en turc ! »

Quatre lettres qui le font entrer dans la légende

C’est lors de la Coupe du monde de 1958, raconte l’Équipe : « La technique, la vitesse, la force athlétique, cette forme de symphonique et d’harmonie dans son jeu, tout cela a constitué une sorte d’émerveillement originel. [...] Personne n’avait vu ça sur le vieux continent. »

La télévision en est à ses débuts et L’Équipe précise que « les images les plus nettes qui restent du phénomène sont celles qui rendent le moins bien hommage à son talent ». Elles datent de 1970, et de la dernière Coupe du monde de Pelé, alors âgé de 29 ans. Mais première en couleur à la télévision, rappelle Le Parisien qui qualifie l’événement de « plus belle des Coupes ». Et si L’Équipe parle d’un Pelé quelque peu « vieilli », « empâté », Le Parisien décrit tout de même un joueur :
« Spectaculaire, étourdissant, insaisissable et qui reste à tout jamais l’emblème de ce mondial. »

Pelé faisait « presque » l’unanimité

Kylian Mbappé, la star française que beaucoup considèrent comme l’actuel meilleur footballeur du monde, a également présenté ses condoléances.


« Le roi du football nous a quittés mais son héritage ne sera jamais oublié », a-t-il écrit sur Twitter. « RIP ROI. »

« Toujours admiré, jamais critiqué », souligne La Croix qui cite « quelques illustres successeurs » de Pelé : Johan Cruyff, Franz Beckenbauer, Cristiano Ronaldo, tous admiratifs.

Dans un article intitulé « L’icône du football, Pelé avait une relation spéciale avec l’Afrique du Sud », la journaliste du Daily News, Eshlin Vedan, se souvient de l’incident choquant des années 1960, lorsque la police de l’époque de l’apartheid a refusé d’autoriser Pelé à quitter l’aéroport de Johannesburg pour entrer dans la ville. Abasourdi par le traitement, Pelé a juré de ne pas retourner en Afrique du Sud jusqu’à ce que Nelson Mandela soit libéré de prison.

Après l’élection de Mandela en tant que premier président démocrate d’Afrique du Sud, les deux hommes se sont rencontrés et sont devenus de solides amis.

Mandela a dit du footballeur que le regarder jouer était comme regarder « le plaisir d’un enfant combiné à la grâce extraordinaire d’un homme au complet ».


Alors le président sud-africain Nelson Mandela et la légende brésilienne du football Pelé sourient à Pretoria, en Afrique du Sud, le 24 mars 1995. REUTERS - JUDA NGWENYA

A la mort de Mandela, le génie brésilien a déclaré qu’il était « mon ami et mon idole ».

« Il a été mon compagnon dans la lutte pour la cause populaire et pour la paix mondiale », a déclaré Pelé. « Continuons son œuvre. Il était l’une des personnes les plus influentes de ma vie. »

Pelé plus grand que Maradona chantent en chœur les journaux. Les deux joueurs « qu’à part une misère originelle, tout opposait », raconte Libération. « Quand Maradona fréquentait les réprouvés du monde, Pelé s’affichait avec Mastercard, Pepsi et les marques de montre de luxe », rappelle Libé, qui cite le génie brésilien parlant de l’Argentin : « Je ne le prendrais pas en voiture même si je le croisais un jour de pluie. » Maradona répondait : « Si je ne m’étais pas drogué, on ne parlerait même plus de Pelé. »

Des critiques vite oubliées dès que Pelé foulait les pelouses. Le Figaro cite un écrivain brésilien parlant du footballeur : « Lorsqu’il attrape le ballon et dribble un adversaire, il est comme un câlin. Il a un tel sentiment de supériorité qu’il ne fait pas de cérémonies. C’est un génie incontestable ! Pelé pourrait se tourner vers Michel-Ange, Homère ou Dante et les saluer avec une effusion intime : ’’Comment vas-tu, collègue ?" »

Pelé et le football africain, un mélange de respect et d’admiration

Le Brésilien, qui avait annoncé et espéré le sacre d’une équipe africaine en Coupe du monde, entretenait un mélange de respect et d’admiration pour le football africain.

« Et je ne pouvais manquer de féliciter le Maroc pour son incroyable Coupe du monde. C’est formidable de voir l’Afrique briller. » Le 18 décembre 2022, un ultime message était adressé sur le compte Instagram de Pelé, de son vivant. Au soir de la finale du Mondial 2022, l’icône y saluait notamment le parcours des Lions de l’Atlas, quatrièmes au Qatar.

En juillet dernier, c’est au Sénégalais Sadio Mané que le Brésilien rendait hommage, après son titre de Joueur africain de l’année : « [Il] a déjà conquis des fans du monde entier par son beau football. Et je suis l’un d’entre eux. »


Pelé et le Camerounais Samuel Eto’o, en 2007. AFP - GIANLUIGI GUERCIA

Visites triomphales en Afrique

Durant sa carrière, la superstar a rencontré à plusieurs reprises des équipes africaines, en matches amicaux. Il y a cette série de trois parties du Brésil en Égypte face à la République arabe unie en 1960, durant laquelle il met un triplé à Alexandrie (victoire 3-1). Et il y a aussi cette venue triomphale en Algérie en 1965, avec un but à la clé lors d’un succès 3-0 face aux Fennecs, deux jours avant le renversement d’Ahmed Ben Bella.

S’il n’a jamais affronté d’équipe d’Afrique subsaharienne avec la Seleçao, Pelé s’est en revanche largement rattrapé grâce à Santos. En 1967, son club de toujours rend en effet visite à des sélections comme celles du Sénégal, du Gabon, du Congo-Brazzaville et de la Côte d’Ivoire. « Ce fut une expérience qui a changé non seulement ma vision du monde, mais aussi la façon dont le monde me percevait », assure l’intéressé dans Pelé : The Autobiography, ouvrage édité en 2006.

En 1969, il a joué également au Nigeria. La légende veut que la terrible guerre du Biafra, qui a entraîné la mort de plus d’un million de personnes entre 1967 et 1970, se soit interrompue 48 heures pour cette rencontre durant laquelle le « Roi » inscrit un doublé (2-2).

Le Brésilien Pelé lors d’une visite au Maroc.

De ces expériences, Pelé a tiré une admiration pour le continent. En 1976, lors d’un séjour au Maroc, il déclare par exemple : « Si je suis le roi du football, alors Benbarek en est le dieu. » Un divin compliment adressé à Larbi Benbarek, joueur marocain originaire de Casablanca et qui a porté le maillot de l’équipe de France entre 1938 et 1954.


Son admiration pour le Marocain Larbi Benbarek

Pelé voyait en grand l’avenir du ballon rond africain. À plusieurs reprises, il soutient qu’une nation africaine gagnera le Mondial. « Ce ne serait pas une surprise si la Coupe du monde 2006 était remportée par une équipe africaine », déclarait-il ainsi dans son autobiographie. Le roi du football, qui a légué son patronyme à des générations de joueurs, dont le Ghanéen Abédi Pelé, n’aura jamais eu l’immense plaisir de voir sa prophétie se réaliser.

Auteur: MANZI
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