Il y a trente ans, d’avril à juillet 1994, le monde entier observa avec stupéfaction le drame qui secoua le Rwanda. À ce moment-là, sur la scène internationale en général, d’aucuns ne se rendirent pas compte sur le champ, de la dimension génocidaire de cette tragédie terrifiante. Cependant, il n’en était pas de même pour les acteurs présents sur terrain depuis plusieurs années. C’était le cas de l’Église catholique. Celle-ci était informée dans les moindres détails du caractère réel des tueries en cours. C’est dans cette optique qu’on peut placer l’appel angoissé et l’emploi rapide du mot « génocide » par le Pape Jean Paul II.
Rappelons qu’en ces moments de désarroi, le Souverain Pontife lança un cri de cœur émouvant. Il s’adressa directement aux Rwandais. De tous ses vœux, il dit (je le cite) : « Arrêtez ces violences ! Arrêtez ces tragédies ! Arrêtez ces massacres fratricides… ». Mais cet appel pressant du Saint-Père n’eut pas d’effet sur le cours des événements. En effet sur terrain, et ce depuis plusieurs années, l’Église se trouvait dans une situation de complicité flagrante avec deux régimes successifs, ouvertement racistes, habitués à orchestrer des massacres ciblant les Tutsi. C’est pourquoi, la hiérarchie catholique locale était mal placée pour relayer efficacement cet appel angoissé du Saint-Père.
Dès sa naissance, la Ire république du Rwanda, et ce à maintes reprises, a eu recours au massacre des Tutsi, soi-disant pour dissuader les attaques armées, lancées par des Rwandais à partir des pays limitrophes de ce pays où ils avaient trouvé refuge. Au pouvoir depuis juillet 1973, la IIe république, comme on le verra, avait mis un moratoire sur ces tueries ciblant les Tutsi de l’intérieur du pays, tout en maintenant ouverte, l’option d’y recourir le cas échéant. C’est ce qui arriva dès 1990, suite à l’attaque d’une rébellion armée venue de l’Ouganda, un pays voisin situé au nord du Rwanda. Et trois ans plus tard, il y eut une tentative d’en finir une fois pour toutes avec tous les Tutsi du pays, en mettant en œuvre un plan diabolique considéré par ses concepteurs comme la « solution finale ».
La prochaine lecture des événements apportera un éclairage sur l’alliance entre l’Église et le régime de feu J.Habyarimana. Ce partenariat se traduisait par un enchevêtrement étendu de la base au sommet. C’est cette alliance contre nature qui explique le paradoxe de la symbiose entre le message évangélique et l’idéologie de la haine ciblant les Tutsi. L’Église n’était nullement offusquée par la politique discriminatoire et répressive à maintes répétitions, érigée en mode de gouvernance par le régime avec lequel il entretenait des liens étroits. En revisitant ce passé funèbre où la dérive graduelle est perceptible, nous suivrons la trajectoire qui a conduit tout droit à l’hécatombe de 1994.
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