L'Afrique que on veut

Après la visite du pape, l’échec du sommet de Bujumbura : Félix Tshisekedi de plus en plus .

Sale semaine ! Le président Félix Tshisekedi avait pointé depuis quelques semaines les dates du 31 janvier au 3 février dans son agenda. Pas question de voyager à ces dates là. Il avait rendez-vous à Kinshasa avec le pape François. Par Hubert Leclercq

Les présidents de l’East african Community ne vont pas muscler leurs dispositifs dans l’est de la RDC.

La première visite d’un Souverain pontife en RDC depuis 37 ans, quand le pays s’appelait encore Zaïre. Jean-Paul II est venu deux fois chez le Maréchal Mobutu. « La première fois, c’était le 2 mai 1980 », se souvient Marie-Joseph, jeune sexagénaire de Limete, un des quartiers de Kinshasa sur la route de l’aéroport international de N’diili. Elle se souvient de « l’accueil exceptionnel reçu par le pape dès sa descente d’avion. C’était son premier voyage en Afrique. Il était venu directement chez nous. Tout Kinshasa voulait le voir. Le Maréchal (Mobutu, NdIR) était venu en personne pour l’accueillir. Cinq ans plus tard, en décembre 1985, ces deux-là se retrouvaient une nouvelle fois à Kinshasa ».

Trente-sept ans plus tard, le pape François débarquait au pays de Félix Tshisekedi. Pour le chef de l’État congolais, mal élu, qui s’est recroquevillé sur son ethnie pour diriger le pays, qui s’est acheté une majorité politique à coups de billets verts, qui s’est fâché avec les grandes Églises catholique et protestante en imposant contre leur gré son président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) et qui est affaibli par les mouvements rebelles qui entament largement son autorité et sa capacité à gouverner le pays, ce voyage était le moment de fédérer, de lancer un mouvement de réconciliation et, simultanément, sa campagne pour la présidentielle de décembre prochain.

Message papal sans ambiguïté

Mais, dès son arrivée à Kinshasa, le pape a donné le ton et montré qu’il n’était pas venu pour tresser des couronnes de laurier sur la tête de ses hôtes. Après avoir condamné l’exploitation des richesses par des mains étrangères qui empêchent tout développement du pays et plongent des millions de Congolais dans la misère et la violence, le pape a pointé du doigt les lacunes et les responsabilités du régime dans cette situation.

Corruption, repli ethnique, copinage. « On sait que le Vatican connaît exactement la situation de ce pays », explique un diplomate. « Il dispose du meilleur réseau d’information de ce pays. Son maillage est demeuré excellent. Il fallait voir ce qu’il allait en faire. Le Vatican, c’est aussi une diplomatie très fine. En ce sens, le message du pape est un vrai séisme pour le pouvoir congolais. L’Eglise catholique joue gros dans ce pays où elle doit compter au moins 40 millions de fidèles ». Du bout des lèvres, un autre diplomate ose le terme « marché » dans une « guerre des cultes face aux églises du réveil qui gagnent chaque semaine en influence ».

« Le pape s’est rangé du côté du peuple. Il a aussi remis en selle les évêques congolais qui avaient perdu un peu de leur lustre et qui avaient dû aussi freiner leurs ardeurs ces derniers mois pour ne pas créer de tensions excessives pour ce déplacement papal", nous expliquait fin de semaine dernière Jean-Claude Mputu, politologue et chercheur congolais. Le cardinal Fridolin Ambongo n’a pas tardé à prendre la balle au bond, y allant de sa critique contre les errements du pouvoir, mais aussi vis-à-vis du processus électoral en cours.

L’Est au centre

Le calvaire du peuple congolais à l’est a été au centre de plusieurs rencontres du pape. Le témoignage des victimes de ces terribles violences a - une fois encore - choqué le monde. Le pape a lancé un appel à la réconciliation, à la fin de la violence, au respect des frontières et des vies humaines.

Secoué par les mots du pape, par les chansons des jeunes réunis au stade des Martyrs à Kinshasa, qui ont rappelé, sur le même air utilisé sous Joseph Kabila, que son mandat se terminait, Félix Tshisekedi a tenté de remettre le focus sur le dossier sur lequel il a le vent en poupe dans son pays : la guerre contre le M23.

Après avoir reçu brièvement la ministre belge des Affaires étrangères Hadja Lahbib (qui a exprimé des doutes sur l’organisation du scrutin congolais), quelques heures après le départ du pape, Félix Tshisekedi a donc mis le cap sur Bujumbura, siège de la présidence tournante de l’EAC. Un sommet extraordinaire, prévu depuis 5 mois, y a réuni sous l’égide du président burundais Évariste Ndayishimiye, tous les chefs d’État (à l’exception du président sud-soudanais retenu par la visite du pape) de cette organisation.

Félix Tshisekedi voulait obtenir un mandat plus offensif pour les hommes de ces pays déployés dans l’est de la RDC. Mais au terme de trois heures d’entretiens à huis clos, rien en ce sens dans le communiqué final qui rappelle « la nécessité d’un dialogue entre toutes les parties » (donc le M23) à travers un « processus politique » pour tenter de trouver une solution durable à la situation à l’est de la RDC. Le texte appelle aussi à un cessez-le-feu immédiat et au retrait de toutes les forces armées étrangères (donc les FDLR). Pas un mot, une fois encore, sur le M23 ou sur le Rwanda.


Le président Paul Kagame a même été « l’invité surprise » de ce sommet en venant en personne au Burundi. Le torchon brûle entre les deux voisins qui n’avaient plus eu de contacts diplomatiques depuis 2015. L’accolade entre les deux hommes a marqué toute une sous-région et a pinté encore un peu plus l’isolement du président congolais.

Auteur: MANZI
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