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DANS L’EST DE LA RDC, LES DESSOUS DU RETRAIT A HAUT RISQUE DE LA FORCE REGIONALE

Alors que les premiers contingents kényans ont déjà commencé à quitter l’Est congolais, le calendrier de retrait des autres troupes était au cœur d’une réunion des chefs d’état-major, dont « Jeune Afrique » a consulté le compte-rendu. Par JA

Des soldats kényans de la Force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est se préparent à quitter la RDC, à l’aéroport de Goma, le 3 décembre 2023.

Alors que Félix Tshisekedi doit arriver dans les prochains jours à Goma, une étape très attendue de sa campagne électorale, la force régionale de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC) se prépare à plier bagage. Son mandat expire officiellement le 8 décembre. Les autorités congolaises, qui n’ont pas souhaité le renouveler, critiquent depuis des mois le manque d’efficacité des troupes de l’EAC, n’hésitant pas, par moments, à accuser la force régionale de « complicité » avec les rebelles du M23.

Plan de désengagement

Reste que la logistique d’un tel retrait, à moins de deux semaines des élections et dans un contexte sécuritaire passablement dégradé par la poursuite des combats entre l’armée congolaise et le M23, soulève plusieurs inquiétudes. Conformément aux recommandations du dernier sommet des chefs d’État de la région, qui s’est tenu à Arusha le 24 novembre, les chefs d’état-major de la sous-région devaient se concerter sur le plan de désengagement de la force avant le 8 décembre.

Dès le 3 décembre, une centaine d’officiers kényans ont pourtant quitté la région en s’envolant de l’aéroport de Goma. Un départ anticipé qui semble avoir quelque peu pris de court Kinshasa. Plusieurs sources, au sein des Forces armées de la RDC (FARDC) et de la présidence congolaise, affirment n’avoir été informées du début de ce retrait que le 1er décembre. La Monusco, avec qui l’EACRF doit en principe se coordonner, a de son côté été prévenue dans la foulée par la présidence.

« Il s’agit d’une décision souveraine et unilatérale du Kenya. Un plan de désengagement était en discussion, mais Nairobi a jugé bon de commencer à partir de maintenant », explique un proche de Félix Tshisekedi, qui assure toutefois que la coopération se poursuit pour faciliter ce départ des troupes kényanes, présentes depuis novembre 2022.

Départ le 7 janvier

Le plan de désengagement qu’évoque notre source a justement fait l’objet de discussions à Arusha le 6 décembre, lors d’une réunion des chefs d’état-major de l’EAC. La rencontre a été présidée par le lieutenant-général sud-soudanais Malual Majok. La RDC, pour sa part, était représentée par le général major Mamba Mubiayi, commandant du Collège des hautes études de stratégie et de défense, qui officiait en tant que rapporteur.

Selon le compte-rendu que Jeune Afrique a pu consulter, les participants de la réunion ont adopté un plan de retrait en trois phases. La première, censée durer du 8 au 15 décembre, doit permettre la relève des troupes dans les zones où elles sont déployées. Pendant la deuxième, prévue du 16 au 30 décembre, ces contingents doivent se retirer dans des camps de transit avant de partir, dans une troisième phase, d’ici au 7 janvier. Selon le document, 250 éléments des contingents kényans ont déjà quitté le pays.

Le rapport tiré de la réunion, qui doit désormais être transmis aux ministres de la Défense de l’EAC, estime qu’il « est souhaitable que le pays d’accueil prenne le contrôle des zones libérées par l’EACRF ». Il recommande également que « les FARDC, le M23 et les autres groupes armés soient invités à observer un cessez-le-feu afin de permettre à l’EACRF de quitter la zone de la mission ».

Tension entre le Burundi et le M23

Voilà pour la théorie. Reste désormais à observer la mise en pratique. Si le retrait de l’armée kényane a déjà débuté, le rôle que d’autres troupes, principalement celles de l’armée burundaise, seront amenées à jouer par la suite est loin d’être clair. Depuis plusieurs semaines, les rebelles du M23 accusent les contingents burundais de la force régionale de prendre part, sous l’uniforme de l’armée congolaise, aux combats. Plusieurs incidents ont été rapportés ces derniers jours, si bien que les forces armées burundaises ont publiquement réagi le 5 décembre pour « s’indigner » des accusations du M23, tout en se disant prêtes à prendre « des mesures nécessaires en cas d’agression ».

Le rôle trouble du Burundi alimente bon nombre de spéculations depuis plusieurs semaines. Félix Tshisekedi et son homologue burundais, Évariste Ndayishimiye, ont conclu en août un accord de défense dont les termes restent pour le moment secrets. Plusieurs sources sécuritaires basées à Goma assurent que les forces armées burundaises ont, depuis la signature de cet accord, reçu des renforts, arrivés entre septembre et novembre. Ce sont ces troupes qui sont aujourd’hui soupçonnées de prendre part aux combats. Contacté, le ministère congolais de la Défense n’a pas répondu à nos sollicitations. Une source gouvernementale burundaise assure pour sa part que « les militaires burundais sont de vrais professionnels, que ce soit en Somalie, en Centrafrique ou en RDC ».

Prédétachement de la SADC

Kinshasa ne fait pas mystère du fait qu’il compte toujours s’appuyer sur les troupes burundaises après le départ de l’EACRF. Ces dernières devront-elles se coordonner avec la force de la SADC, censée prendre le relais de celle de l’EAC ?

Son arrivée est annoncée pour le 10 décembre par le porte-parole de la présidence congolaise, Erik Nyindu. Selon nos informations, un prédétachement effectue depuis fin novembre une mission de reconnaissance qui doit se terminer début décembre. Le commandant de la force, le général-major sud-africain Monwabisi Dyakopu, est, pour le moment, attendu le 13 décembre à Goma. Mais le calendrier de déploiement des contingents, le découpage de leurs zones d’opération et les modalités de la passation avec les troupes de l’EACRF demeurent flous, alors que plus de 3 millions d’électeurs sont attendus dans les bureaux de vote le 20 décembre.

Auteur: MANZI
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