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EAC : Retrait du M23 de RDC, FDLR… ce que l’EAC a décidé à Nairobi

Les chefs d’état-major de l’EAC s’étaient donné rendez-vous au Kenya, cinq jours après le sommet de Bujumbura et alors que les combats entre l’armée congolaise et le M23 se poursuivent, pour tenter de donner un second souffle à la force régionale. Par Romain Gras

Les chefs d’état-major de l’EAC lors de leur réunion du 9 février 2023 à Nairobi. © DR

Le « cessez-le-feu immédiat » décidé le 4 février à Bujumbura lors du sommet extraordinaire de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) n’aura été qu’une vaine promesse. Les affrontements entre l’armée congolaise (FARDC) et les rebelles du M23 ont repris dans la foulée de la rencontre convoquée par Évariste Ndayishimiye. Les combats continuent de provoquer d’importants déplacements de population en territoire de Masisi, où se concentrent les combats depuis plusieurs semaines.

C’est dans ce contexte tendu que les chefs d’état-major de l’EAC se sont retrouvés, le 9 février à Nairobi, pour une réunion stratégique. L’objectif était, une nouvelle fois, de discuter des modalités d’action de la force régionale (EACRF), de plus en plus critiquée à Kinshasa. Présidée par le patron de l’armée burundaise, le général Prime Niyongabo, cette rencontre s’est tenue en présence de tous les chefs d’état-major de l’EAC, dont le lieutenant-général Christian Tshiwewe Songesha des FARDC et le général Jean-Bosco Kazura des Forces de défense rwandaise (RDF). Plusieurs mesures adoptées ont de quoi surprendre.

Chronogramme sur 30 jours

L’un des points à l’ordre du jour était l’établissement d’un énième calendrier de retrait du M23 des zones conquises depuis mars 2022. La feuille de route signée à Luanda, le 23 novembre, prévoyait initialement un départ des zones concernées dans les 48 heures suivant le sommet. Non-respecté, ce calendrier avait ensuite été révisé à l’issue d’une réunion des chefs d’état-major, à Dar es-Salaam, le 15 décembre dernier.

Ce deuxième chronogramme prévoyait que le M23 se retire des zones qu’il contrôle d’ici au 15 janvier. Après des cérémonies de retrait à Kibumba en décembre et à Rumangabo début janvier, les combats ont repris de plus belle en territoire de Masisi, où les rebelles ont depuis pris le contrôle de nouvelles localités. Le M23 assure répondre aux attaques de l’armée congolaise. Sur le terrain, la situation n’a cessé de se dégrader depuis la mi-janvier.

Dans leur rapport, que Jeune Afrique a consulté, les militaires de l’EAC se sont donc accordés sur un nouveau calendrier de retrait des rebelles. Ce troisième chronogramme s’étend cette fois sur trente jours, à partir du 28 février. Il doit se dérouler en trois phases. Selon le document, le M23 a jusqu’au 10 mars pour se retirer de Karenga, Kilolirwe, Kitchanga, Kibumba et Rumangabo. Le 20 mars, les rebelles doivent avoir quitté Kishishe, Bambo, Kazaroho, Tongo et Mabenga. Le retrait doit en théorie prendre fin le 30 mars, avec le départ de Rutshuru, Kiwanja et Bunagana, première localité passée sous contrôle du M23, en juin 2022.

Mandat offensif

Plus surprenant, à Nairobi, les chefs d’état-major ont aussi discuté d’un réajustement des zones d’opération des différents contingents de la force régionale. Opérant depuis des mois dans le Sud-Kivu sans qu’un bilan clair des opérations ne puisse être tiré, l’armée burundaise doit en théorie se déployer à Sake, Kilolirwe et Kitchanga. Le contingent sud-soudanais, qui devait initialement intervenir dans le Haut-Uélé, est censé prendre position à Rumangabo, en compagnie des soldats kényans, qui doivent aussi contrôler Kibumba, Tongo, Bwiza et Kishishe. Les Ougandais, qui déploient déjà des troupes dans le cadre de l’opération conjointe Shujaa, doivent en principe envoyer des soldats au sein de la force régionale pour prendre position à Bunagana, Kiwanja et Mabega.

Voilà pour la théorie. La pratique, elle, soulève de très nombreuses questions. Si ce document venait à être appliqué, cela signifierait que toutes les armées censées participer à la force régionale interviendraient dans la zone d’action du M23, accusé d’être soutenu par l’armée rwandaise, elle-même tenue à l’écart de l’EACRF. Une démarche qui ne serait pas sans risques.

L’armée kényane, pour l’instant la seule composante de la force régionale à être déployée dans certains des secteurs du M23, est de plus en plus critiquée à Kinshasa pour son inaction. Plusieurs manifestations pour exiger son départ ont aussi eu lieu ces derniers jours à Goma. Félix Tshisekedi n’a jamais caché qu’il espérait que cette force passe à l’offensive face aux rebelles. Le commandant de l’EACRF, le général kényan Jeff Nyagah, et les homologues du président congolais semblent de leur côté donner la priorité au processus politique, refusant d’engager leurs troupes face au M23.

La réunion de Nairobi changera-t-elle les choses ? Le rapport signé à l’issue de la rencontre ne fait en tout cas aucune mention d’une offensive militaire de l’EACRF face aux rebelles. Il précise en revanche que « le dialogue doit commencer entre les parties en guerre afin de trouver une solution politique à ce conflit ».

« S’occuper des FDLR »

Ce redéploiement des différents contingents dans la zone du M23 sera-t-il seulement possible ? Voilà plusieurs mois que les différentes médiations semblent dans l’impasse. Si le rapport précise que le nouveau calendrier « doit être respecté par le M23 », les rebelles ont souvent rappelé qu’ils n’étaient pas directement concernés par les conclusions des précédents sommets, notamment celui de Luanda en novembre, n’ayant pas été consultés au préalable. Dans leurs récents communiqués, ils accusent le gouvernement congolais de ne pas respecter ses engagements.

Pour assurer le suivi de ce retrait, un nouveau mécanisme de vérification, différent de celui de la Monusco et de celui de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs (CIRGL) doit être mis en place sous l’égide de l’EAC. Aucune mention n’est en revanche faite des difficultés financières auxquelles la force régionale est confrontée depuis le début de son mandat.

Le M23 n’est, par ailleurs, pas le seul groupe armé visé par les conclusions de la réunion de Nairobi. Le rapport précise aussi que la « force régionale a été chargée par les chefs d’état-major de s’occuper des FDLR [Forces démocratiques de libération du Rwanda] ». Selon le document, signé par tous les chefs de délégation présents, l’EACRF est censée réunir les informations nécessaires sur les FDLR entre le 30 mars et le 20 avril afin de produire un rapport qui servirait alors de base « pour lancer des opérations ». L’armée congolaise a été régulièrement accusée, depuis le début du conflit, de collaborer avec certains groupes armés, dont les FDLR.

Auteur: MANZI
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