« Soit nous sauvons la planète, soit elle disparaît avec nous ! », a prévenu Macky Sall, chef de l’État sénégalais et président en exercice de l’Union Africaine, à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques. À Charm-el-Cheikh, la plupart des chefs d’État africains se sont exprimés. Le Centrafricain a même parlé de crimes « commis par d’autres », pour lesquels l’Afrique ne devrait pas continuer à payer. Ne doit-on pas convenir que l’Afrique a su se faire entendre à cette COP 27 ?
Au-delà de ces fulgurances, ce qui se joue dans cette cité balnéaire égyptienne révèle la cruauté des rapports que les nations riches entretiennent avec les plus démunis sur cette planète. Et puisqu’au regard de certaines blessures infligées à l’univers, il semble déjà trop tard, les riches demandent aux pauvres, qui n’ont jamais connu que la faim, de continuer à se serrer la ceinture, en renonçant aux méthodes par lesquelles ils ont, eux-mêmes, pu croître, en abîmant la planète.
En contrepartie de cette assignation à l’indigence, les riches pollueurs avaient promis, en 2009, une enveloppe de 100 milliards de dollars par an aux pauvres, qui ne sont pour presque rien dans les dégâts causés à la planète. Treize ans plus tard, le compte n’y est toujours pas, alors que l’on estime à 85 milliards par an les besoins de la seule Afrique, pour commencer à se développer de manière moins dévastatrice pour la nature.
À présent, ce qui avait été, un temps, présenté comme un don, est en passe de devenir un prêt, qui transiterait par la Banque mondiale. Tout cela est épuisant de cynisme.
Faut-il donc comprendre que les discours virulents de certains chefs d’État à la tribune sont justifiés ?
Le fond du débat, ici, porte sur la responsabilité, pas sur la solidarité ou une quelconque générosité. Vouloir assigner certains peuples à l’indigence, tout en continuant, soi, d’accumuler, au nom du statut inattaquable de pays riches…
Oui, le Centrafricain n’a pas vraiment eu tort d’assimiler à des crimes les blessures infligées à la nature, puisqu’elles ont pour conséquence de mettre en danger l’humanité toute entière. Il n’est point indispensable d’être un humaniste incurable pour comprendre l’immoralité qu’il y a à tenter de convaincre les moins favorisés de vivre pour toujours dans l’incertitude. L’indignation des chefs d’État africains peut donc se comprendre, comme peuvent se comprendre leurs cris de colère.
L’Afrique, irréprochable à Charm-el-Cheikh, voilà qui va faire plaisir à plus d’un...
C’est juste leur incapacité à imaginer une stratégie commune ferme qui fait de la peine. Comment espérer peser, en débarquant dans une conférence de cette importance, chacun avec son petit fanion national, pour aligner les espérances de son bout d’Afrique, en espérant recevoir un peu de ces milliards de dollars plus virtuels que jamais ?
Se présenter toujours en rangs dispersés trahit un déficit de stratégie, une absence de vision. Certes, Macky Sall, en sa qualité de président en exercice de l’Union Africaine, a parlé au nom des Africains. Mais il devait aussi parler au nom du Sénégal.
Si tous étaient allés à Charm-el-Cheikh, présents dans la salle, pendant que l’un parlait en leur nom à tous, « la parole de l’Afrique » aurait eu plus de poids, plus d’impact que ces cinquante-quatre petites fulgurances plus ou moins convaincantes, qui seront oubliées avant la fin de cette COP 27.
Combien de déceptions encore, combien d’autres humiliations faut-il donc à l’Afrique, aux dirigeants africains, pour comprendre enfin que leurs revendications pèseraient d’un poids plus consistant, et qu’ils inspireraient davantage le respect, s’ils apparaissaient dans ce type de conférences unis, sous la bannière imposante d’une Grande Afrique ?
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