Financée par le fonds souverain saoudien (Public Investment Fund/PIF, qui contrôle 620 milliards de dollars d’actifs sous gestion), la nouvelle Ligue LIV Golf— lancée cette année— a bien des atouts à faire valoir. Son circuit est plus rapide que celui du PGA Tour (le circuit de golf professionnel masculin, qui se joue principalement aux États-Unis) et dispose d’un format de cinquante-quatre trous (« LIV » en chiffres romains), joué sur trois jours. Le nouveau circuit ajoute par ailleurs une ambiance plus festive- avec de la musique en fond sonore au début de chaque compétition- tout en ayant moins de tournois programmés ; un gage de repos pour les joueurs. Mais son principal argument est financier : la ligue LIV Golf est riche, très riche.
2,4 milliards de dollars d’engagements financiers escomptés au cours des deux prochaines saisons
Pour faire décoller le circuit du LIV Golf, le PIF a prévu d’y injecter 2,4 milliards de dollars au cours des deux prochaines saisons, dont une grande partie est d’ores et déjà utilisée pour attirer les meilleurs talents. Au total, la nouvelle ligue soutenue par le Fonds souverain saoudien a permis d’augmenter les revenus des dix golfeurs les mieux payés de la planète d’environ 370 millions de dollars depuis le mois de mai, ce qui porte le total des gains cumulés à 650 millions de dollars sur l’année écoulée. Un record.
Vainqueur de l’US Open en 2020 à 27 ans, le golfeur américain Bryson DeChambeau a rejoint le LIV Golf en juin, et ce notamment pour « faire partie d’un nouveau projet partant de zéro », explique l’athlète qui précise par ailleurs que « les ressources, le temps, le repos et ensuite le facteur plaisir ont été les raisons pour lesquelles [il a pu et voulu] faire ce saut ». Le fait que le joueur touche plus de 125 millions de dollars de garantie de revenus de la part du LIV Golf —dont la moitié, selon Forbes, aurait été versée d’avance —a probablement aidé aussi au moment de prendre la décision. De fait, cet acompte de 62 millions de dollars a propulsé DeChambeau à la troisième place des golfeurs les mieux payés au monde, avec des gains totaux avant impôts de 86 millions de dollars au cours des douze derniers mois. Un « score » qui le classe au 11e rang des athlètes les mieux rémunérés de la planète, devant le joueur de football américain Tom Brady.
Une ligue « dissidente »
La décision de rejoindre la nouvelle ligue n’a cependant pas été sans conséquence : plus de PGA Tour, plus de Players Championship (tournoi de golf du tableau masculin de la PGA Tour), et plus de compétition internationale dans le cadre de la Ryder Cup (mythique trophée de golf créé en 1927 et qui oppose par équipe, tous les deux ans depuis 1979, l’Europe et les États-Unis). Comme tous les autres transfuges du PGA Tour (ils étaient quarante-huit golfeurs « sécessionnistes » en juin), DeChambeau a vu son adhésion au prestigieux circuit américain (US PGA Tour) suspendue. Les golfeurs soutenus financièrement par l’Arabie saoudite devraient toutefois pouvoir participer aux trois autres tournois majeurs (Masters, US Open et British Open), dont aucun n’est géré par le PGA Tour. Dustin Johnson, double vainqueur d’un tournoi majeur et sixième ex aequo au British Open de St Andrews en juillet, a fait encore mieux que DeChambeau. Le professionnel de 38 ans— originaire de Caroline du Sud et marié à Paulina, la fille du légendaire joueur de hockey Wayne Gretzky— a empoché 97 millions de dollars l’année dernière, dont une prime au moment de son intégration au LIV Golf, estimée à 62 millions de dollars en mai.
L’argent saoudien fait ainsi de Dustin Johnson le cinquième athlète le mieux payé de la planète. Un choix facile : « Jouer moins au golf et jouer pour plus d’argent, c’était tout simplement logique », reconnaît sans ambages l’intéressé. Le principal gagnant reste cependant l’ancien numéro un mondial Phil Mickelson. Avec six majeurs et quarante-cinq victoires sur le PGA Tour à son actif, le deuxième golfeur le plus accompli de sa génération a été l’un des premiers à exprimer son soutien au nouveau circuit.
En février, il avait été vilipendé après avoir minimisé le bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits de l’homme et parlé du LIV Golf comme d’une « occasion unique de remodeler le fonctionnement du PGA Tour ». Dans la foulée de ces déclarations, plusieurs sponsors l’avaient alors lâché.
138 millions de dollars de gains pour Phil Mickelson
Mais au final, Mickelson n’en a que peu souffert, le LIV Golf ayant plus que compensé les éventuelles pertes en garantissant à celui-ci une somme estimée à 200 millions de dollars, dont la moitié probablement versée d’avance. Au total, le joueur gaucher de 52 ans a gagné 138 millions de dollars au cours des douze derniers mois, ce qui en fait l’athlète le mieux payé au monde, devant la superstar du football Lionel Messi (130 millions de dollars).
Il y a toutefois des risques. Le LIV Golf n’a pas de partenaire de diffusion majeur aux États-Unis et pour l’heure pratiquement aucun sponsor se rangeant à ses côtés. Les aficionados de golf, curieux d’assister aux LIV Golf Invitational Series— lancées début juin par le PDG du LIV Golf Greg Norman, avec un calendrier de huit tournois en 2022—, n’ont pour l’instant d’autre choix que de suivre le circuit de la ligue dissidente sur YouTube.
Les revenus générés par le nouveau circuit sont limités et, en plus des énormes primes versées à la signature des contrats avec les joueurs et des budgets de production de plusieurs millions de dollars par événement, la nouvelle ligue a garanti 255 millions de dollars de « prize money » pour 2022. Un montant colossal et qui passera à 405 millions de dollars en 2023, pour quatorze tournois organisés. « Comme n’importe quelle start-up, vous avez un “’burn rate”’ et que ce soit Amazon, Uber ou autre, elles brûlent toutes de l’argent jusqu’à ce qu’elles atteignent le point de rentabilité », explique sans se démonter Atul Khosla, président du LIV Golf et ancien dirigeant des Tampa Bay Buccaneers (une franchise de football américain professionnel basée à Tampa, en Floride).
De son côté, le PGA Tour ne reste pas inactif. En juin, il a augmenté de 53,8 millions de dollars les dotations de huit de ses tournois, le Players Championship passant quant à lui à 25 millions de dollars de dotations. Les partisans d’une ligne dure au sein du PGA Tour— qui refusent de donner aux joueurs membres de leur circuit le droit de participer aux événements du LIV Golf— ont par ailleurs poussé au déclenchement d’une enquête antitrust du ministère américain de la Justice.
De fait, un golfeur refuse de jouer le jeu du circuit « dissident » : Tiger Woods. Le PDG de LIV Golf, l’Australien Greg Norman, connu comme le « Grand requin blanc » au temps de sa splendeur (il a remporté deux fois le British Open) a ainsi confirmé au Washington Post que Woods avait rejeté une offre « époustouflante et énorme » du LIV Golf, dans les « neuf chiffres ». Une décision qui a propulsé Woods, athlète le mieux payé au monde pendant dix années consécutives, en territoire inconnu : il n’est plus « que » le cinquième golfeur le mieux payé de la planète, avec des gains totaux de 68 millions de dollars sur l’année écoulée. L’ancien numéro un mondial ne regrette cependant rien. « Je ne vois tout simplement pas en quoi cette décision est positive à long terme pour beaucoup de ces joueurs, surtout si le LIV n’obtient pas de points mondiaux et que les grands championnats modifient leurs critères d’inscriptions… », a expliqué la légende du golf.
Le palmarès des golfeurs les mieux payés au monde en 2022
Phil Mickelson (52 ans) : 138 millions $ (102 millions $ sur le circuit et 36 millions $ hors circuit)
Surnommé « Lefty », car jouant de la main gauche (left en anglais), Phil Mickelson a dépassé le milliard de dollars de gains en carrière grâce à son contrat avec LIV Golf. L’un des rares joueurs (avec Tiger Woods, Dustin Johnson, Vijay Singh et Tom Watson) à avoir obtenu une adhésion à vie au PGA Tour, Mickelson a vu ce privilège suspendu après avoir rejoint le circuit du LIV Golf.
Dustin Johnson (38 ans) : 97 millions $ (68 millions $ sur le circuit et 29 millions $ hors circuit)
Désormais classé 17e rang mondial, Dustin Johnson a été la première star du golf à passer au LIV Golf en mai, pour un montant estimé à 125 millions de dollars. En novembre, il a cédé sa participation dans la marque de boissons sportives Bodyarmor pour une somme non divulguée (rachetée par Coca-Cola, BodyArmor, deuxième marque de boissons sportives la plus vendue en magasin derrière Gatorade, a généré des revenus de 1,4 milliard de dollars en 2021). Les sponsors Adidas et TaylorMade l’ont soutenu après sa démission du PGA Tour.
Bryson DeChambeau (28 ans) : 86 millions $ (66 millions $ sur le circuit et 20 millions $ hors circuit)
DeChambeau a gagné 560 000 $ lors de son premier événement LIV en juillet, soit près du triple de ce qu’il avait empoché lors de ses sept tournois précédents en 2022.
Brooks Koepka (32 ans) : 69 millions $ (53 millions $ sur le circuit et 16 millions $ hors circuit)
Brooks Koepka, qui a remporté quatre tournois majeurs et nourrit une rivalité féroce avec DeChambeau, a obtenu une garantie estimée à 100 millions de dollars de la part du LIV Golf.
Tiger Woods (46 ans) : 68 millions $ (43 500 $ sur le circuit et 68 millions $ hors circuit)
Seul milliardaire du golf, Tiger Woods n’a pas besoin de l’argent saoudien.
Rory McIlroy (33 ans) : 43 millions $ (9 millions $ sur le circuit et 34 millions $ hors circuit)
McIlroy a exprimé son soutien au PGA Tour en déclarant à la chaîne américaine CBS « qu’il n’y [avait] pas de place dans le monde du golf pour le LIV Golf ». Une attitude qui semble porter ses fruits : l’entreprise américaine Workday, spécialisée dans les applications cloud dédiées aux ressources humaines et à la financeet valorisée à 3,6 milliards de dollars, a accepté de sponsoriser l’Irlandais du Nord en février, après avoir annoncé ce même mois qu’elle ne renouvellerait pas son partenariat avec Mickelson.
Sergio Garcia Fernández (42 ans) : 42 millions $ (35 millions $ sur le circuit et 7 millions $ hors circuit)
L’Espagnol, champion du Masters 2017, a fait partie de la première vague de golfeurs de haut niveau à rejoindre le tout nouveau circuit parrainé par le Fonds souverain saoudien.
Jordan Spieth (29 ans) : 39 millions $ (8 millions $ sur le circuit et 31 millions $ hors circuit)
L’ancien numéro un mondial a réaffirmé sa loyauté envers le PGA Tour en juillet, en déclarant notamment que « toutes les allégations selon lesquelles [il envisagerait] de participer à des compétitions ailleurs que sur le PGA Tour [étaient] catégoriquement fausses ». Après renouvellement du contrat le liant à Under Armour, il restera le visage « golf » de la célèbre marque de sportswear jusqu’en 2029.
Patrick Reed (31 ans) : 37 millions $ (34 millions $ sur le circuit et 3 millions $ hors circuit)
Reed a été la vedette de la RyderCup pendant des années, ce qui lui a valu le surnom de « CaptainAmerica ». Désormais inéligible pour la compétition biannuelle opposant par équipe l’Europe aux États-Unis, le joueur de 31 ans a arboré un nouveau logo sur sa casquette, son col et sa manche lors du British Open : celui du LIV Golf.
Charl Schwartzel (37 ans) : 34 millions $ (30 millions $ sur le circuit et 4 millions $ hors circuit)
En 2011, Schwartzel avait remporté 1,4 million de dollars de prix au Masters, sa première et unique victoire en championnat majeur. La victoire du Sud-Africain lors de l’événement inaugural du LIV Golf, à Londres en juin dernier, lui a rapporté plus du triple.
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