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RDC : Contre le M23, Kinshasa fait le pari risqué des groupes armés !

Des groupes d’autodéfense congolais, baptisés « Wazalendo », tentent de faire reculer les rebelles du M23 de leurs positions du Nord-Kivu. Soutenus par Kinshasa, ces jeunes « patriotes » sont issus des groupes armés locaux qui permettent aux autorités congolaises de combattre le M23 sans violer le cessez-le-feu. Unestratégie dangereuse dans une région en proie aux milices depuis trois décennies. par Christophe Rigaud

Photo du Groupe Wazalendo, symble de l’incompétence gouvernementale. Comment un gouvernement responsable peut-il sa sécurité aux miliciens et aux génocidaires rwandais qui écument l’Est du pays, qui depuis trente ans, volent et violent les filles et les femmes et massacrent la population ? Le gouvernement est au sommet de l’incompétence.

Depuis début octobre, le bruit des armes se fait de nouveau entendre au Nord-Kivu. On avait pourtant cru que la présence des militaires de la force régionale est-africaine (EAC) et les multiples médiations de Luanda et Nairobi pour imposer un cessez-le-feu et un retrait du M23 avait fait taire les fusils, au moins pour un temps. Mais l’échec du retrait des rebelles et l’apathie des soldats de l’EAC, qui se sont transformés en une simple force d’interposition, a réactivé le conflit sous un nouveau visage. Dans le Masisi et le Rutshuru, ce sont désormais les groupes armés qui se livrent bataille, sous le regard passif de l’armée congolaise, tenue de ne pas violer le cessez-le-feu exigé par les pays de la région.

Tshisekedi en échec sécuritaire

Cette reprise des affrontements au Nord-Kivu, après plusieurs mois d’une relative trêve, n’est pas le fruit du hasard. Dans un peu moins de deux mois, doit se tenir une élection présidentielle sous haute tension en République démocratique du Congo (RDC). Le président Félix Tshisekedi, qui brigue un second mandat, avait fait du retour de la paix à l’Est du pays, une de ses promesses de campagne en 2018.

Cinq ans plus tard, force est de constater que le chef de l’Etat a échoué sur le front sécuritaire : les groupes armés n’ont jamais été aussi nombreux (on en compte plus de 120), les rebelles ADF, affiliés à l’Etat islamique (EI), n’ont jamais été aussi meurtriers, et les rebelles du M23 sont ressortis de leurs montagnes pour occuper aujourd’hui de nombreuses localités du Nord-Kivu.

Une reprise des combats « qui n’a rien de spontanée »

Pour présenter un bilan plus reluisant aux Congolais, les autorités congolaises souhaitaient marquer des points avant le scrutin. Comme le front diplomatique patine, c’est sur le front militaire que Kinshasa veut montrer qu’elle peut faire reculer le M23. Pour contourner le cessez-le-feu, c’est avec les groupes armés locaux d’autodéfense, que les autorités congolaises comptent bien reprendre possession des territoires occupés par le M23.

La stratégie de Kinshasa pour reprendre la main sur le terrain semble avoir été actée en septembre dernier selon Henri-Pacifique Mayala, coordonnateur du Baromètre sécuritaire du Kivu (KST), qui documente le conflit à l’Est depuis 2017.

« Le nouveau gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général Peter Cirimwami, a rencontré à Kibumba des responsables des groupes armés censés vouloir intégrer le processus de désarmement, démobilisation, réinsertion communautaire et stabilisation (PDDRCS). Quelques jours seulement après cette réunion, nous avons la reprise des affrontements sur différents axes du Masisi et du Rutshuru.
La recrudescence des combats et sa coordination n’ont donc rien de spontanée ».

Avec le soutien de Kinshasa ?

Sous le label Wazalendo (« les patriotes ») on retrouve en fait une grande partie des groupes armés de la région : du plus structuré, l’APCLS (Alliance pour un Congo libre et souverain), en passant par le NDC-Guidon, le NDC-Mapenzi, ou les Mai-Mai Kabido. « En tout, ce sont entre huit et dix groupes armés que l’on retrouve sous ce nom, sans compter la criminalité locale » explique Henri-Pacifique Mayala.

Cette « franchise » est donc constituée de groupes armés « rebaptisés Wazalendo avec la bénédiction du pouvoir. C’est une rhétorique politique de Kinshasa » note le chercheur. Durant le mois d’octobre, ces miliciens ont réussi à faire reculer le M23 sur plusieurs axes. Les Wazalendo ont même repris pendant une courte période la ville de Kitshanga au M23, avant que les rebelles ne l’occupent à nouveau.

Plusieurs sources sécuritaires indiquent que les « patriotes » reçoivent le soutien de l’armée congolaise. Pour Henri-Pacifique Mayala, « lorsque l’on voit l’intensité des combats et leur durée, il semble clair que les Wazalendo ont été dotés en armes et munitions, et bénéficient d’un soutien logistique ».

« Un énième recyclage de la violence »

Les Wazalendo sont-ils en mesure d’inverser la tendance sur le terrain miliaire et réussir ce que n’a jamais pu réaliser l’armée régulière : faire battre en retraite le M23 ? « Je ne serais pas étonné qu’ils puissent faire reculer le M23 et faire bouger les lignes entre le Masisi et le Nyiragongo. Ces groupes armés maîtrisent parfaitement certaines zones géographiques, notamment la zone de Bwito, dans le Nord du Rutshuru. Récemment, ils ont réussi à encercler le M23 sur quatre axes ».

Mais ce qui inquiète le chercheur, c’est de savoir ce que Kinshasa compte faire de ces miliciens demain. « Pour moi, c’est un énième recyclage de la violence. Ces miliciens ne sont pas « biodégradables ». La Kalachnikov que l’on a donnée à ces Wazalendo, il va être difficile de lui reprendre et de lui faire intégrer un programme de démobilisation et de réinsertion qui ne marche pas. Ces groupes constituent une réelle menace ». Le risque est de voir ces groupes armés revendiquer leur part du gâteau, d’autant que « ces miliciens, qui se réunissent sous le label Wazalendo, combattaient il y a encore quelques mois l’armée congolaise ! » Il y a deux ans de cela, les Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC) n’étaient, en effet, pas en mesure de contrôler la partie Ouest de Masisi, occupée par l’APCLS, qui a créé dans cette zone sa propre police.

Une menace à longterme

Pour Kinshasa, la séquence Wazalendo est une aubaine politique à quelques semaines des élections. Le « sursaut patriotique » des Wazalendo est très populaire auprès de nombreux Congolais. Le mouvement flatte un sentiment patriotique mis à mal ces dernières années par la résurgence du M23 et l’impuissance de l’armée congolaise.

Le ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a « salué l’action de ces compatriotes » lors d’une conférence de presse le 12 octobre. « Il est du devoir de chaque Congolais de défendre chaque centimètre du territoire national ». En attendant, les autorités congolaises souhaitent se débarrasser au plus vite des forces internationales présentes à l’Est : casques bleus de l’ONU et force est-africaines, qui « n’ont pas été en mesure de régler les problèmes, notamment du M23 » selon Patrick Muyaya. L’EAC est prié de partir le 8 décembre prochain, et la Monusco sommée d’accélérer son « désengagement progressif ».

Kinshasa souhaite désormais se tourner vers une autre institution régionale pour l’aider à combattre le M23 : la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Mais les contours de la mission de la SADC restent encore à définir, ainsi que son calendrier. Dans l’immédiat, seuls les Wazalendo sont en mesure de faire bouger les lignes de front avant le scrutin du 20 décembre. Un pari risqué et une menace à long terme dans une région en ébullition depuis trois décennies.

Auteur: MANZI
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