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RDC : Etat de siège : deux ans d’inefficacité

Instauré en mai 2021, l’état de siège au Nord-Kivu et en Ituri est un échec. Les attaques des groupes armés n’ont jamais diminué et le nombre des victimes civiles et des déplacés est en constante augmentation. Selon Amnesty International, cette mesure d’exception a uniquement « servi de prétexte pour réprimer les droits humains ». Par Christophe Rigaud, directeur du site Afrikarabia

Le général Constant Ndima devant ses troupes en avril 2023 © Gouvernorat militaire Nord-Kivu

C’était l’une des mesures phares du président Félix Tshisekedi pour ramener la paix à l’Est du Congo. Deux ans plus tard, l’état de siège instauré en Ituri et au Nord-Kivu, deux provinces en proie aux groupes armés, n’a eu aucun effet sur l’insécurité endémique qui règne dans ces régions depuis bientôt 30 ans.

Censé intensifier les opérations militaires pour éradiquer la centaine de groupes armés qui pullulent dans la zone, cette mesure d’exception a même réussi l’exploit d’obtenir le résultat inverse.

Le nombre de morts a augmenté : plus de 4.000 civils ont été tués depuis l’instauration de l’état de siège. Les groupes armés, comme les ADF affiliées à l’Etat islamique, ont élargi leur zone d’influence devant les offensives de l’armée congolaise. Pire, la rébellion du M23, en sommeil depuis 10 ans, s’est subitement réveillée en plein état de siège et s’est emparée de nombreuses localités du Nord-Kivu sans que l’armée congolaise ne réussisse à prendre le dessus.

Résultat, la situation humanitaire s’est fortement dégradée. Plus de 2 millions de personnes ont été déplacées de force depuis 2021, selon les chiffres de l’ONU.

Les pleins pouvoirs aux militaires

Depuis 2 ans, la situation sécuritaire s’est donc constamment détériorée, alors que l’état de siège était activé. Devant ces faibles résultats, le gouvernement a pourtant demandé au parlement de proroger plus de 50 fois cette mesure qui devait être « exceptionnelle » et « provisoire ».

Sans résultat sur le terrain militaire, l’état de siège a, par contre, fortement augmenté les restrictions de liberté en Ituri et au Nord-Kivu. Les autorités civiles politiques et judiciaires ont cédé la place aux militaires, déjà en échec dans leur propre domaine de compétence.

Le gouverneur est aujourd’hui un général des Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC) dans les deux provinces et la justice est désormais rendue par les tribunaux militaires.

« Harceler les journalistes et les militants des droits humains »

Selon Amnesty International, « les autorités militaires de la RDC, nommées par le président Félix Tshisekedi, ont utilisé les pouvoirs conférés par l’état de siège pour restreindre systématiquement les droits humains ».

Critiquer l’état de siège ou manifester, deviennent maintenant répréhensibles. Les nouvelles autorités ont « harcelé et incarcéré des journalistes, et tué des défenseurs des droits et des militants politiques. Elles ont également recouru à la détention provisoire massive des personnes considérées comme une menace, dans des centres où les conditions sont bien souvent épouvantables » a récemment dénoncé Amnesty. D’autant que la police et l’armée sont souvent responsables « de violations graves des droits humains à l’encontre des civils ».

Pour une levée de l’état de siège

Deux ans après son instauration, l’état de siège reste toujours en vigueur, alors que la RDC s’apprête à rentrer en campagne électorale, avec un scrutin présidentiel théoriquement prévu pour décembre prochain.

Aujourd’hui, l’état de siège semble ne plus avoir de raison d’être après les échecs à répétition de l’armée congolaise, et surtout depuis l’arrivée des troupes de l’East African Community (EAC) au Nord-Kivu.

Après un énième accord de cessez-le-feu, les soldats est-africains sont venus s’interposer entre l’armée congolaise et le M23, prenant le contrôle des zones libérées par les rebelles. De nombreuses organisations des droits de l’homme congolaises et internationales, demandent la levée de l’état de siège.

Pour Tigere Chagutah, directeur régional pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International, « Si le président Félix Tshisekedi ne lève pas l’état de siège aujourd’hui, après deux ans de restrictions illégales et injustifiées imposées aux droits humains, les membres du parlement doivent rejeter toute nouvelle demande de prorogation faite par le gouvernement ».

Auteur: MANZI
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